mardi 29 octobre 2019

vendredi 25 octobre 2019

mardi 22 octobre 2019


Pour changer, ce matin, un dessin de septembre.
Encre, crayon de couleur, pierre noire sur papier Japon
63 x 44 cm
À mes yeux - mais non seulement aux yeux : inscrit dans mon corps, ma mémoire et mon imagination -, l’homme est tout autant pierre, eau, vent que chair et sang, verbe et cendres. Je tisse, ravaude, relie les extrêmes, les contraires, dans mon étonnement-amour du monde. Je réunis sur la toile les éléments de ce visible que féconde l’invisible. En traçant le vol d’un oiseau, en peignant un champ, il me revient de faire voir du même coup tout l’espace que cet oiseau traverse et l’ombre que son vol inscrit sur ce champ, et l’heure, et la saison, et les rides de l’eau, et les abeilles mouchetées d’écumes bondissantes, et les radeaux vides de vie, et mon corps allongé dans les herbes folles, en usant de toutes les armes que ma peinture sans sens sensé, insensée, a mises entre mes mains, et que les innombrables heures passées à observer, à attendre, à m’impatienter on forgées au fond de ma rétine, et comme « un homme du commun à l’ouvrage » rend des comptes en couleur. Ici dans ce dessin, l’heure noire

Christian Astor
Mardi 22 octobre 2019 

lundi 21 octobre 2019



Figurer ce qui n’a pas de figure n’est pas réalisable, nez en moins, j’en viens à peindre une incohérence, une fissure dans une suite de tableaux mal définis, si bien que chaque toile produit une rupture qui révèle avec précision celle qui la précède ou celle qui la suit, itou un jour après la nuit d’un autre jour.
Ces peintures deviennent en quelque sorte un puzzle dépourvu d’articulation qu’il s’agit de reconnaître comme tel mais la peinture ne peut se mettre bout à bout. J’opère dans l’ordre réel et ne rassemble pas les morceaux. Ne pas faire de puzzle. Ne pas présenter de succédané fissuré. Se ressaisir. Les vies ne se mettent pas bout à bout.
Inventer la vie.

Christian Astor
Lundi 21 octobre 2019

jeudi 10 octobre 2019



Petite peinture matinale inspirée par une scribecouillonnerie de Juillet 1999.
Bonjour.
« Je chemine. Mon enfance échappe parfois mais rapidement je la rejoins. Lorsqu’un paysage illusoire remplace la réalité on dit que la vieille danse. C'est très exactement dans la mesure où je sais n'aller au devant de rien qu’aujourd'hui j’écris pouvoir marcher consciemment vers l’inconnu verticalement présent qui surplombe l'errance libre et enchantée de ma peinture. Le fossoyeur s’approche pour reprendre sa pelle inutile. Tout comme ma vie ma peinture est une épreuve pour rien, en cela précisément réside la dimension de force de cette passion qu'est aussi mon existence.
Le vivant derrière le masque impassible où subsiste-t-il, sinon sous le sauve qui peut ?
Rien de nouveau, pas de retour, pas de retour à l'imagination. Les yeux égarés dans la cécité ôtent la couleur. Dans la confusion et le doute les éclats de la peinture passée, non résolue comme autrefois, les yeux harcelés par leurs désirs et leurs besoins sans nuance sont sans réponse. Voir.
La lumière ne cède à rien, elle est couleur, ne signifie rien. Le signe aujourd'hui n'est plus. Le signe est éteint. Sans lumière. Noir. Le sens est mort, sans lumière le marchand de sable passe.
Les chemins se croisent, d'autres vont parallèles, quelques-uns se rencontrent. J’entends parfois au croisement, rarement au coin des rues où l’on cause, des grondements de voix de poitrine. Bientôt le grondement cesse. Je n'entends plus que l'agitation à peine perceptible de gens groupés au même endroit, sans nul bruit de pas.
Je vais au loin, à travers les herbes où croissent fraternellement la ronce et l'ortie.
Personne ne me suit. Je vis l'errance colorée, peindre ne m’occupe pas à mourir.
Une demeure dont l’entrée est sans issue, un chemin dont le parcours est sans retour.
Ma peinture n'a pas de sens, c'est pour rien, comme ma vie, intransmissible. Je chemine la tête dans les étoiles. De quelle clandestinité ai-je besoin ? Je suis le pain quotidien des corbeaux.
            - Qui êtes-vous ? D'où venez-vous ?  Je n'ai jamais rien vu qui vous ressemble. 
Le corbeau regarde l'homme fort surpris de constater à quel point cet étranger est semblable à lui.
Parler de l'ignorance ? La condition de l'homme est située au-delà de toute connaissance humaine. Les oeuvres actuelles s’apparentent souvent à celles les précédant, elles sont rarement involontaires ou dues à l'ignorance. Les peintres sont souvent moins originaux qu'ils le croient. Une grande partie de la création d’aujourd'hui, se fait à partir d'oeuvres originales empruntées à d’autres peintres, l'artiste recrée autre chose mais il n'y a rien qui lui soit personnel, pas un motif ni une originalité, l'art de la citation. Les artistes se servent. 
Nuit sans sommeil, la raison ne peut prouver l'évidence, la certitude de la vie, l'origine du monde et tant d'autres choses pareilles, tous ces doutes s'évanouissent au lever du soleil. 
Quoi de plus satisfaisant de plus élogieux de plus vivant que d'être pillé ?
Vive les corbeaux ! Je traverse le temps heureux, laisse les corbeaux et les corneilles à leur festin. Je vais plus loin. 
J’avoue avoir peur de l'intelligence qui est une propriété au même titre qu'une maison et que par conséquent elle opprime les faibles.

Une cigale crisse dans la continuité d'un temps uniforme. Elle dit la persistance et son chant atteint jusqu'aux frontières de l'été.
Elle fascine mon imagination. »

Christian Astor
« Rides de l’eau »
Éditions ARTOPI
2007

mardi 1 octobre 2019