jeudi 10 février 2011

Rêves

Je n’avais rien d’autre à faire qu’à me laisser flotter sur une vague de souvenirs qui m’emportait nulle part précisément j’étais couché c’était le début d’une journée qui jamais ne me verrait vraiment là des jours où on n’est jamais vraiment là il y en a ... des tas ... il y en a de ces jours qui partent avant même qu’on ait ouvert les yeux et donc je songeais à une chambre où c’était bien longtemps avant et aux objets qu’elle contenait j’arrivais bien à me souvenir de quatre ou cinq d’entre eux et non je n’avais pas tout oublié de l’impression que ça faisait quand j’étais dans cette chambre mais il y avait d’autres choses qui me résistaient j’avais beau essayer de toutes mes forces ces choses ne me revenaient pas à la fin je renonçais et décidais d’écrire tout ce qu’il me restait de cette chambre et de l’impression que ça faisait quand j’y étais dedans et après je laisserai passer quelques mois avant d’à nouveau y jeter un coup d’oeil le moment une fois venu je reprendrai donc mes notes et encore un coup tenterai de me souvenir d’autres trucs sans oublier l’impression que ça faisait dans ladite chambre quand j’y étais dedans et moi qui étais étendu là à flotter sur des souvenirs sans rivage je trouvais que c’était chose intéressante à faire jusque-là pas de problèmes à un petit détail près cependant lorsqu’au bout de ce début de journée qui toujours refusait d’être je sortis enfin du lit j’oubliais de décrire cette chambre et ce qu’elle m’avait laissé dans la mémoire jusqu’à ce matin une semaine passée et cette chambre je ne m’en souviens plus du tout maintenant hélas il fut donc une fois une chambre dont je ne me souviens plus alors que des Cévennes à la Camargue un mistral puissant a déferlé tout au long de mon sommeil les branches de mon rêve a secoué jusqu’aux racines mêmes de ce que j’ose appeler mon moi enfin s’est glissé telles les voitures à l’heure de pointe pour le voyage vers les sports de glisse entassées sur une quelconque autoroute de l’oubli au cauchemar incessamment le cauchemar a fait place et ici mon rêve était que jeune peintre je travaillais à certains décors de variétés qui lentement disparaissaient du petit écran là les sondages à l’horizon montraient tel le gris et glacial couperet ou bien alors n’était-ce encore qu’une aurore de plus parmi tant d’autres ? Au grand maître du spectacle (pas Guy) l’autre Guy (Lux)  je montrais la maquette que j’avais peinte pour décorer la scène de son «show» elle ne lui plaisait pas «Et où donc avez-vous donc appris à peindre ?» me disait-il « dans un poulailler ou quoi ?» le vent et aussi la nuit me paraissaient interminables tel un fantôme ma chambre gémissait cependant que toujours les arbres battaient le ciel que toujours mes rêves tremblaient comme les dentiers dedans une maison de retraite en plein tremblement de terre tel le poisson sautillaient dedans un verre posé sur la table de nuit enfin je larguais les amarres de mon dernier songe et à l’aurore mes yeux émergèrent des tunnels du sommeil vite je sautai du lit m’habillai et sortis je n’avais plus qu’une envie fuir tout ce qui de près ou de loin ressemblait au sommeil je fus accueilli par mes poules toutes mes poules qui devant le poulailler en petit nombre hirsute me dévisagèrent à trente pas le mistral leur avait ouvert le verrou puis la porte et toutes elles en avaient profité pour sortir et venir me dévisager car il est d’évidence qu’une fois la porte ouverte la poule se doit de sortir et d’aller tâter le vent les poules c’est comme ça que ça raisonne toujours est-il que les miennes avaient eu bien de la chance de ne pas se faire emporter par la bourrasque parce qu’elles auraient quand même été pas un peu surprises si tout d’un coup elles s’étaient retrouvées à se baigner à Beauduc ou à skier sur le Pont de Montvert et l’aurore et le mistral étaient de la couleur et des intentions d’un grisâtre couperet l’oeil accusateur mes poules toujours me dévisageaient comme si c’était de ma faute si le vent soufflait si fort comme si de tout cela j’étais en quelque façon responsable 
tiens 
comme si peut-être même que c’était moi qui la leur avait ouverte leur putain de porte.

extrait de "La parabole de l'aveuglé"

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