mercredi 20 février 2013

... menteur comme un arracheur de dents...




Fil de soi dévoilé hors du révolu jardin secret
dentelle attachée à une dent sans ombre
transparente
telle le fragile cristal
future poussière
étincelle dans la nuit étoilée
qui illumine la dérisoire aurore des nuits sans espoir
d'une éternité rassurante

         La certitude de n'être rien 

         Commence seulement à poindre
n'être que la contradiction de l'homme
sur de sa destiné et de sa malédiction
lors d'une rage de dents
et du début des froids dentiers

            L'auteur salue les arracheur de dents automates monstrueux à l'invisible machinerie pour le patient allongé comme le veut leur tradition

            Ils jouent de nos ratounes pour attirer la clientèle
bien vite ils abandonnent la dentisterie
pour ne plus se consacrer qu'à leurs gueules
et nous empailler
du moins nous équiper d’appareils
qui nous permettrons de mastiquer et de ruminer le passé
où nos baies dentelées bées brillaient de mille dentifrices

         Plus râleurs que vraiment contestataires
ils se dressent en souriant incisives vives
ou grinçant des molaires contre les injustices
dont sont victimes les petites gens insuffisamment argentés
pensez donc la CMU ne les enrichit pas

         Faussement naïfs
mal embouchés
il sont l'infection buccale du bon sens
jovial dans la mauvaise humeur
prennent de l'ampleur toujours transmise par tradition orale
le nombre des manipulateurs grandit 
                                                      le succès s'affirme

            Les rapports de police sur leurs comptes
témoignent de leurs tempéraments subversifs
et de leurs goûts pour la grivoiserie
ils taquinent par ci par là les tendres dentitions
et les palais roulés aux humeurs douloureuses

            Praticiens  de talent et hommes d'affaires avisés
il entreprennent de séduire un nouveau public
ce sont désormais les étudiants qui se rendent en pèlerinage
pour assister aux parodies des spectacles
donnés par des comédiens de chair et d'os
surnageant sur les odeurs putrides des grands amphithéâtres

            Ce sont des machinistes aux immenses talents
extrêmement soucieux de succès
et de respectabilité sociale
ils donnent à la dentisterie une clientèle prestigieuse
et leurs revues à grand spectacle
ainsi que leurs parodies
sont dans les villes de véritables événements

            L'esprit du dentiste cependant
ne souffle plus avec la même force qu'à l'époque des arracheurs de dents l'équilibre entre le système dramatique et le patient
n'est plus de la même nature 
en perdant de ses dons de simplicité
et d'improvisation inventive
le dentiste perd de sa raison d'être
c'est pour cela que peu à peu son cabinet est déserté par les adultes
qui ne consentent à y revenir qu'en jour de crise
et de douleurs aigues
pour faire revivre à leurs enfants des moments de bonheur passés

            L'arracheur de dent devient un dentiste de salon bêtifiant
dans lequel il serait bien malaisé de reconnaître
la vigueur du personnage originel

            Pendant de longues années - jusqu'aux années soixante environ –
ils connaissaient une période de purgatoire
durant laquelle ils ne font plus figure que de pièces de musée
ou d'amusement d'un autre âge

            La base reste l'improvisation
ils travaillent sur un canevas d'ivoire mêlé aux chicots
autour desquels ils brodent selon leurs humeurs
et selon l'actualité du jour
à savoir de nous faire survivre en mangeant liquide
ou enrichir notre palais et leurs portefeuilles  

Christian Astor
« Rides de l’eau »

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